On bouquine

Entrevue littéraire : Le fantôme de Suzuko par Vincent Brault


Entrevue Vincent Brault — 4/5

Du réel au fantôme

Quel est ton rapport à l’écriture : comment décris-tu ton style ?
« Je pense beaucoup à Jorge Borges, mais aussi à Julio Cortázar, qui lui, va vraiment pousser jusqu’au bout des situations qui ne sont pas tout à fait crédibles. […] C’est comme si c’était une espèce d’énigme à résoudre : [j’écris] à partir d’une situation un peu à côté de la plaque. Par exemple, dans Le Cadavre de Kowalski : si un cadavre se réveille, qu’est-ce qui se passe ? Il n’a pas de cerveau, il n’a pas de cœur, il n’a pas d’organe vital qui fonctionne. C’est quoi son rapport au monde ? […] Je travaille sur la frontière entre le réel puis l’imaginaire. Et je crois que notre vie est plus imaginaire qu’on pense, puis que l’imaginaire est plus réel qu’on pense. »

C’est presque un cliché : l’écrivain solitaire. Quel est ton rapport à la solitude en tant qu’auteur ?
« Je pense que c’est un rapport un peu compliqué. Je pense aussi que mes livres parlent finalement de cela. À la fois, l’écriture chasse un peu la solitude, mais ce n’est pas suffisant… [Certains auteurs auront besoin de longs moments d’isolement]. Au contraire, ce serait la pire des atrocités, pour moi, d’aller dans un chalet pour écrire pendant un mois. J’ai besoin le soir de voir des gens, des amis, de sortir de cette bulle [de l’écriture]. J’écris comme aller au bureau, 9 à 5, du lundi au vendredi, et le soir j’essaie de voir des gens et faire du social […] Juste pour me sentir bien parce qu’aussi, la vie, ce n’est pas juste être devant son ordinateur en train de taper des mots sur un clavier, c’est aussi de l’extériorité. C’est pour ça que j’ai beaucoup aimé les résidences […] Les résidences d’écritures ou les résidences d’artistes, c’est vraiment des événements sociaux avec plein d’artistes internationaux, tu vis en communauté, tu partages… Pi ça, c’est vraiment quelque chose qui m’intéresse, peut-être pas pour la création en tant que telle, mais pour nourrir la création. »

Dans le roman, au niveau des phrases, il y a une écriture concise. Tu as dit dans une entrevue que l’image forte n’est pas nécessairement dite d’une façon complexe.
« Le fantôme de Suzuko, à un moment donné, mon document [de notes] a atteint 750 pages et là [le livre] en fait 200. C’est ça mon travail, c’est-à-dire la concision.

[…]

[Si on observe la première partie du livre], tout est au présent. On ne dit pas les mêmes choses dans une narration au présent que dans une narration au passé. Si je suis à vélo, je ne vais pas dire : « Je roule à vélo, je regarde à droite, je regarde à gauche, j’avance. » Ce n’est pas ça. Un flux de conscience, c’est plus : « Une voiture. Le ciel. La neige sur mon corps. L’essoufflement. » Ça impose aussi un genre de rythme. […] Pour moi, c’est une question de réalisme. […] Il n’y a pas de « je » parce que quand on est dans l’action, on ne se dit pas dans notre tête « je fais si, je fais ça » ; les choses nous apparaissent de l’extérieur. »

1 réflexion au sujet de “Entrevue littéraire : Le fantôme de Suzuko par Vincent Brault”

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s