On bouquine

Entrevue littéraire : Le fantôme de Suzuko par Vincent Brault


Entrevue Vincent Brault — 1/5

De Montréal aux fantômes de Tokyo

Ton projet de recherche sur les fantômes a débuté avant Le fantôme de Suzuko. À quel moment est-ce que ça a débuté ?
« Mes projets s’empilent toujours les uns par-dessus les autres. Quand j’ai envoyé le manuscrit de mon premier roman, Le cadavre de Kowalski, mon deuxième roman avait déjà un gros pitch d’avancé. [En attendant la réponse] j’ai commencé un autre projet que j’avais déjà en tête. […] Après, quand La chair de Clémentine a paru, j’étais déjà allé au Japon [une première fois], j’avais déjà commencé à penser à ces histoires-là de fantômes japonais. J’avais commencé à faire un peu de la recherche. Et donc, Le fantôme de Suzuko existait déjà à quelque part. »

À l’hiver 2018, tu es allé dans une résidence d’artistes au Japon. Quel était ton projet au départ ?
« Je suis allé au Japon grâce au Conseil des arts du Québec et c’est une galerie d’art contemporain (TOKAS) qui m’a accueilli à Tokyo. J’allais là pour une enquête sur les fantômes du Japon. […] Le projet, c’était de m’inspirer des histoires que j’allais recueillir pour écrire. Mais ce n’est pas vraiment ce que j’ai fait finalement… »

Tu étais déjà allé au Japon en 2013 avec ton ancienne amoureuse que tu nommes Suzuko dans ton roman. Est-ce que c’était une coïncidence que ce soit au Japon que se déroule ta recherche sur les fantômes en 2018 ?
« Je suis allé en Chine, je suis allé en Taïwan… L’Asie, je m’y suis intéressé : au taoïsme, au confucianisme et tout ça. […] Je suis allé en 2013 au Japon, ça m’a bien plus. Après, il y a eu une résidence offerte par le Conseil des arts du Québec au Japon. S’il y avait eu une résidence en Chine, je serais allé en Chine. Mais, une fois sur place […] Je ne savais pas à quel point c’était présent au Japon les fantômes, finalement. Mais c’est aussi lié au shintō et à l’animisme.

Comme dans les communautés autochtones ici, l’animisme, c’est le fait qu’il y a des esprits en toutes choses. Et donc il y a cette conception-là au Japon, et même en milieu urbain à Tokyo, que les choses sont animées d’un esprit et c’est une des raisons pour lesquelles ils font beaucoup plus attention aux choses que nous.

Le shintō c’est une religion indigène au Japon (en tout cas, il y a un syncrétisme entre le bouddhisme et le shintoïsme). Tu as plein de sanctuaires shintō à Tokyo, et des petits parcs avec des torii [portails] par lesquels tu passes et là, ça sépare le sacré du non sacré. Il y a des animaux mythiques, comme le renard qui est une figure protectrice du shintoïsme. Tout ça, je m’y suis intéressé. Et donc, ça, c’est vraiment à la base de la culture. [Ici], nous sommes des chrétiens. Les revenants, ça nous est familier parce que Jésus est revenu des morts… [Pour les Japonais, ce n’est pas le même héritage :] les esprits sont partout, il y a la réincarnation, les morts sont parmi les vivants, il n’y a pas de ciel, pas d’enfer.
»

Après toutes ces recherches, est-ce que tu crois aux fantômes ?
« Bien, je n’ai pas une réponse vraiment claire à donner. Les gens, ils voient des fantômes. C’est juste un fait. J’ai des centaines de témoignages. La plupart remettent en question leurs propres expériences. […] Est-ce qu’il y a des fantômes dans le monde ? Je n’en sais rien. Mais j’ai lu beaucoup d’anthropologues sur cette question et ce que je trouve intéressant, c’est que, souvent, on va dénigrer ces expériences-là. Et pourtant, ce sont des expériences communes. Au Japon, c’était 9 personnes sur 10 à qui je demandais qui avaient une histoire de fantôme à me raconter. Ici au Québec, c’est peut-être 3 ou 4 sur 10. […] Donc c’est non négligeable. Après, ça ne veut pas dire que parce qu’il y a plein de personnes qui y croient que ça existe. Mon point, ce n’est pas ça. Mon point, c’est de dire que ça a une fonction dans le monde. C’est pour ça que j’ai plus une approche anthropologique. C’est-à-dire que les gens ne voient pas n’importe quels fantômes, ils voient des fantômes qui sont liés à leurs cultures.  

[…] Le fantôme, s’il existe, il n’est pas vraiment vivant, mais il n’est pas vraiment mort non plus. Il est comme dans une espèce d’entre-deux. C’est cet entre-deux qui m’a intéressé dans la figure du fantôme. »

1 réflexion au sujet de “Entrevue littéraire : Le fantôme de Suzuko par Vincent Brault”

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s